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Projections

Avec ma mère, on avait un rituel au moment du coucher; après son dernier baiser celui qui m’annonçait de longues heures de solitude, alors qu’elle venait de fermer ma porte d’un geste sûr, un pied en haut de l’escalier, elle disait :

-Bonne nuit.

Du fond de mon lit, les yeux rivés sur l’interstice de lumière sous la porte, je répondais:

-Bonne nuit.

Elle reprenait :

-Ataleur (En un mot)

-Ataleur.

-Bye !

-Bye !

«Bonne nuit-Ataleur-Bye !»

Une phrase qui disait six fois «aurevoir» en tout. Comme une comptine qui rassure, un truc qui n’existait qu’entre nous, une intonation chantante. Toujours la même.

Ensuite, elle actionnait l’interrupteur du couloir et l’obscurité m’envahissait. Mystérieuse et froide. Parfois lorsque j’avais vraiment très peur, je me concentrais afin de percevoir les minuscules traces de lumière sous la porte. Faibles et vacillantes, elles provenaient du poste de télévision du salon au rez-de-chaussée. Faibles et vacillantes, mais elles me rassuraient. Je m’y accrochais comme un naufragé tiendrait sa bouée pour ne pas se faire avaler par l’océan. Je redoutais que le noir ne m’avale.

Un enfant qui a peur du noir... Quel manque d’originalité !

 

C’est cette enfant achluophobe que j’ai emmenée arpenter les écuries du Château de Trévarez. Comme chaque année, à l’époque de Noël, des installations y offrent aux visiteurs une promenade féérique. Cette année, les artistes du Collectif de la Meute et leur bulle d’air nous racontent justement l’histoire de la lumière, «du Big Bang aux illusions d’optique, du cinématographe des frères Lumière jusqu’aux arts cinétiques». Une histoire que l’on peut lire si on a envie de prendre son temps ou que l’on peut juste admirer pour le plaisir des yeux. Le fond et la forme. Le fond ou la forme. C’est selon... A l’étage, en déambulant à travers «les heureuses lueurs» de Flop (Philippe Lefèvre, «bricoluminologue», comme il se définit lui-même), je me suis dit que la lumière c’était vraiment un truc de gosse. J’ai pensé au cirque de Calder ou aux albums de Christian Voltz. Avec ses installations en objets de récup’ détournés, Flop joue avec notre regard pour nous prouver que l’obscurité s’apprivoise, qu’il suffit parfois de changer la direction de la lumière pour voir le monde autrement. Il nous rappelle la nécessité du noir pour admirer la chorégraphie d’une vieille ampoule fatiguée. Le besoin d’ignorance pour apprécier le savoir, la connaissance.

 

«Il est impossible d’apprécier correctement la lumière sans connaître les ténèbres».(Sartre)

 

Oui, enfant, j’avais peur du noir. Mais j’ai grandi depuis. Un peu... Même s’il m’arrive encore d’en avoir peur, ce n’est plus le même noir, ni les mêmes peurs. Le terme n’en reste pas moins approprié. J’ai juste appris, non pas à jouer avec l’éclairage au gré de mes besoins, mais plutôt à apprécier les lumières que m’apporte la vie :

 

  • Un lever de soleil sur la Torche qui annonce une journée pleine de surprises.
  • La flamme de la bougie qui chancelle au gré de l’air que l’on déplace.
  • Les projections éphémères laissées sur les murs par les phares des rares voitures de la nuit.
  • L’écran du portable qui s’éclaire parce que quelqu’un, quelque part a pensé à nous.
  • La petite lampe en forme d’ours qui enveloppe mon enfant d’une chaleur bienveillante.

 

Je n’ai plus peur de l’obscurité. Elle sera la toile de fond sur laquelle je tenterais désormais  de faire danser de douces lumières.

Projections
Projections
Projections
Projections

Pratique :

21 nov. 2015 - 03 janv. 2016 
13h30 - 19h00 
Tout public
Enfants jusqu’à 7 ans : gratuit - 7/17 ans : 1€ - 18/25 ans : 4€ - Plein tarif : 7€ - Demandeurs d'emploi, minima sociaux, en situation de handicap + un accompagnant : 1€

 

Pour trouver le Château : Sortie Briec, suivre Edern et après, y a des panneaux. Hyper facile. Même pour une blonde.

Tag(s) : #5 Minutes ou pas

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